Châtiment (2/2)

« Je range mes sabres à ma ceinture, et en sors ma petite dague des grandes occasions. « 

 

Tiens, en voilà un qui s’avance, il a l’air un peu plus éveillé que ses copains. De beaux yeux cuivre, une petite barbe, pas trop dégueulasse. Parfait, ça va me faire les mains. Oh, et il me sourit en plus ! C’est parce que t’as aussi deux sabres que je te plais ? Mais viens, je t’attends !

Un coup d’estoc, j’esquive, je réplique. Merde, il est rapide ce con. Très bien, je lance l’autre bras en réponse. Mais c’est qu’il va m’énerver ! Une volte pour éviter une taille sournoise, et voilà, dans l’aine. Ça calme, pas vrai ?

Quelque chose passe devant moi. Réflexe, je cligne des yeux. Douleur. DOULEUR. Le fils de dok a réussi à me toucher. J’ai déjà pris des coups, je suis pas infaillible, mais cette merde a osé toucher à mon visage. Et je crois qu’il a tenté de me refaire le portrait, parce que je sens déjà mon propre sang couler dans mon col. Mon cœur s’accélère, panique, mais je tente de me calmer en expirant bruyamment, crachant un jet de sang par la même occasion. Je vais pas crever. Ça dégouline, il m’a ouvert la gueule de haut en bas. J’ai sacrément mal, mais je suis encore debout. Ça va. Je vais pas crever. Hé, connard, tu vas t’en vouloir de pas y être allé plus fort, crois-moi.

Je vois déjà son sourire qui s’agrandit. Tu penses que tu m’as eu ? Je prends appui sur mes jambes fléchies par le coup, et je bondis en retour à sa charge. Tu l’as pas vu venir celle-là hein ? Mon coup ne touche pas, mais je le surprends, et j’arrive à le déséquilibrer. Il tombe sur le dos. Autour de nous, ça continue à s’embrocher joyeusement. Je pousse d’un coup de pied un type qui reculait sur moi, et il s’écroule sur la lame tendue de Cybatt, qui m’adresse un petit signe de tête en remerciement, avant d’ouvrir grand les yeux devant ma blessure. Merci de me rassurer !

Je reviens à mon copain à terre. Quelques coups de botte dans les côtes, et il se marre moins déjà. Il roule, il essaie de se relever, je m’assois sur lui pour le maintenir au sol. Il se débat, il essaie de me frapper avec sa jambe qui n’est pas en train de se vider. Je me penche en arrière et je l’immobilise en plantant l’un de mes sabres derrière son genou. Il hurle, je me marre, et je crois pas que mon rire soit aussi théâtral que d’habitude avec tout ce sang qui jaillit de ma bouche. Par contre, c’est peut-être plus flippant, et tant mieux pour le coup. Je m’avance sur son torse, il ne peut plus rien me faire avec ses pieds. Il avait perdu un sabre en tombant, je lui fais lâcher l’autre en lui broyant le poignet avec mon talon. Il regarde autour de lui. Tu cherches de l’aide ? Je vois deux gars de son bord qui s’écroulent juste à côté, transpercés par les flèches de Shéminn. Je passe mes pieds sous ses bras, coince ceux-ci entre mes cuisses et mes mollets. Je range mes sabres à ma ceinture, et en sors ma petite dague des grandes occasions. Ma lame se reflète dans ses yeux couleur métal qui s’agrandissent à sa vue. Il couine, il m’implore, il essaie de se dégager, mais j’ai de la poigne, surtout quand je suis énervé. Et là, on peut dire que je le suis. Son regard croise le mien, et je lis sa peur. Je souris. La douleur m’arrête immédiatement, mais me motive à la suite. Je plaque sa tête au sol en l’attrapant sous le menton. Je crois qu’il sait ce qui l’attend, maintenant, parce qu’il n’arrête plus de crier et de cabrioler sous moi. Je commence, doucement. Ma lame s’enfonce dans sa joue comme dans un fruit tendre et juteux. Je suis une belle diagonale vers le nez pour rejoindre sa bouche, ouvrant un sillon bien irrigué à mon passage. Voilà qu’il gémit maintenant. Du sang coule dans son œil et se mêle à ses larmes de désespoir. Hé, tu croyais quoi ? Règle de base sur nos mers, ne jamais piquer le plan d’un autre équipage. Sinon, représailles. Et ne jamais penser qu’amocher un pirate suffira à l’arrêter, c’est pas un duel à l’amiable, mon tout beau.

J’arrive à la bouche, ma lame bute sur les dents. Je sais, je sens que la sienne m’a entamé la gencive. Je fais preuve de mansuétude, et reprends ma belle ligne sur la lèvre inférieure, pour finir une fois sur le menton. Ça doit ressembler à peu près à ce que tu m’as fait, je pense. Maintenant, on va équilibrer avec l’autre côté… J’ai pris le coup de main, on dirait. Et voilà, c’est plus joli comme ça, non ?

 

“Angus, on s’en va ?”

 

Je quitte un instant mon œuvre du regard pour lever les yeux sur Orbal. Que fait-il à bord ? Il porte un gros coffre avec l’aide de Cybatt. Les quelques sales voleurs qui tiennent encore debout sont rassemblés dans un coin du pont à se faire dessus en nous regardant débarquer. C’est bien ce que je pensais, trop rapide. Mon capitaine s’arrête un instant et me fixe. Aïe. Il fronce les sourcils. Ouais, je sais. Je soupire. Encore du sang.

Bon, je finis quand même le travail, un petit coup de lame de chaque côté du cou, bien placés. Et voilà.

Pour les quelques instants qu’il te reste à vivre, repens-toi et maudis-moi.

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